Commerce du cabas : une ouverture sans les Algériens de France
Malgré une légalisation attendue du commerce du cabas en Algérie en 2025, les Algériens de la diaspora française ne peuvent pas en bénéficier. Un arrêté interministériel réserve cette activité aux résidents algériens. Pourquoi cette exclusion ? Voici l’explication.
Le commerce du cabas, longtemps toléré mais resté informel, a récemment été encadré par l’État algérien à travers un décret exécutif et un arrêté interministériel. L’idée, offrir un statut légal à ceux qui rapportaient des produits de l’étranger pour les revendre localement.
Mais une clause majeure a provoqué un tollé, seuls les Algériens résidant en Algérie peuvent obtenir ce statut de micro-importateur. Cela exclut de facto les nombreux ressortissants algériens établis en France — souvent ceux qui pratiquent ce commerce depuis des décennies. Ce choix interroge, est-ce une mesure de régulation économique ou une rupture avec la diaspora ?
Un commerce populaire enfin reconnu par la loi
Longtemps toléré sans véritable statut, le commerce du cabas, cette micro-importation pratiquée entre l’Europe et l’Algérie — entre désormais dans le cadre légal. Le décret exécutif publié fin juin 2025 a donné une base réglementaire à cette activité très répandue, notamment dans les régions côtières et frontalières.
L’objectif du gouvernement est double, formaliser une pratique économique existante et freiner les circuits parallèles de devises. Chaque micro-importateur peut désormais ramener des marchandises d’une valeur maximale de 1,8 million de dinars (environ 12 000 euros) par voyage, dans la limite de deux voyages mensuels.
Les conditions strictes pour obtenir le statut de micro-importateur
Pour exercer légalement le commerce du cabas, il faut remplir plusieurs critères précis :
être de nationalité algérienne, résider sur le territoire national, disposer d’une carte d’auto-entrepreneur portant le code d’activité 080101, être affilié à la CASNOS, et ouvrir un compte en devises à la BEA (Banque extérieure d’Algérie).
L’autorisation d’exercer, délivrée par le ministère du Commerce extérieur, est valable un an et renouvelable. Toutes les transactions doivent passer par la carte de paiement BEA, afin d’assurer la traçabilité des devises et de limiter le recours au marché informel.
Avantages & contraintes du dispositif légal
Avantages offerts
- exonération de certaines formalités comme l’immatriculation au registre du commerce ;
- droits de douane réduits à 5 % sur les marchandises admissibles ;
- comptabilité simplifiée et régime fiscal dédié.
Contraintes et barrières
- obligation de financer les achats via le compte en devises BEA ;
- démarches numériques obligatoires : déclaration des produits, téléchargement des factures, transparence totale ;
- exclusion des produits sensibles et ceux soumis à licences spéciales ;
- exigence de voyages pour chaque importation, ce qui limite l’extension du modèle au-delà des circuits traditionnels.
Des experts dénoncent que le système favorise les micro-importateurs disposant déjà d’un certain capital, et ne remédie pas aux inégalités structurelles du commerce informel.
Les Algériens de France exclus du dispositif officiel
Contrairement à une idée largement répandue, les Algériens résidant en France ne peuvent pas bénéficier de ce statut. L’arrêté interministériel de septembre 2025 réserve en effet cette activité aux résidents en Algérie uniquement.
Ce choix gouvernemental s’explique par la volonté de retenir la valeur ajoutée dans l’économie nationale et d’éviter que le commerce du cabas ne serve à alimenter des circuits parallèles entre la France et l’Algérie.
Pour de nombreux membres de la diaspora, cette décision ressemble à une marginalisation économique.
Eux qui, depuis Marseille, Paris ou Lyon, ont fait vivre ce commerce pendant des décennies, se voient désormais exclus d’un système qu’ils ont pourtant contribué à créer.
Un dispositif encadré, mais loin d’être accessible à tous
Si la mesure vise à encourager les petits entrepreneurs, le dispositif reste lourd administrativement.
Les démarches bancaires, les déclarations numériques obligatoires avant chaque déplacement et la limitation du montant d’importation risquent d’en décourager plus d’un.
En contrepartie, l’État offre certains avantages :
- exonération du registre du commerce,
- réduction des droits de douane à 5 %,
- régime fiscal simplifié et comptabilité allégée.
Mais sur le terrain, plusieurs experts estiment que le modèle favorise surtout les commerçants disposant déjà d’un capital de départ conséquent.
Les produits autorisés et les limites imposées
Le texte officiel précise que la micro-importation doit concerner des produits de consommation courante : vêtements, accessoires, petit électroménager, produits d’hygiène, ou articles de décoration. sont en revanche interdits, les équipements médicaux, les produits électroniques sensibles, les armes, les denrées alimentaires non conformes, et tout bien nécessitant une licence spéciale.
Chaque opération doit être déclarée via une plateforme numérique, le commerçant y inscrit la liste des marchandises, leur valeur et leur provenance. Les factures doivent être téléchargées pour vérification, une première dans l’histoire de ce commerce autrefois opaque.
Une légalisation qui interroge la place de la diaspora
Cette réforme consacre la volonté de l’État algérien de reprendre le contrôle sur les flux commerciaux tout en soutenant l’auto-entrepreneuriat. Mais elle met aussi en lumière un paradoxe, les Algériens de France, longtemps moteur de ce commerce, sont désormais écartés au nom d’une souveraineté économique nationale.
Derrière cette décision se joue un enjeu plus large, comment réintégrer la diaspora dans la nouvelle économie algérienne sans rouvrir la porte aux dérives de l’informel ? Un débat qui promet de se prolonger, tant le commerce du cabas symbolise les liens complexes entre l’Algérie et ses enfants de l’étranger.
Le commerce du cabas légal en Algérie marque une transformation notable. Mais en écartant la diaspora algérienne installée en France, le dispositif montre ses limites politiques.
Cette mesure pose plusieurs questions :
- peut-on réguler sans aliéner les acteurs historiques ?
- cette exclusion favorisera-t-elle d’autres formes d’informel ou des circuits détournés ?
Pour l’instant, la réponse officielle a tranché : la porte reste fermée pour ceux qui vivent hors du territoire national.




