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Un Franco-Algérien pour la mairie de Paris ? Saïd Benmouffok entre en campagne

Le Franco-Algérien Saïd Benmouffok se lance officiellement dans la course à la mairie de Paris pour les municipales de 2026. Ancien conseiller d’Anne Hidalgo et professeur de philosophie, il incarne une gauche calme mais déterminée, à rebours des postures habituelles. Portrait d’un candidat qui veut réconcilier Paris

Il parle bas mais va loin. Né à Alger, professeur de philosophie à Mantes-la-Jolie, Saïd Benmouffok est de ceux qui tracent leur chemin sans fracas mais avec constance. À 41 ans, ce Franco-Algérien engagé s’apprête à relever un défi politique de taille, briguer la mairie de Paris lors des municipales de 2026. Ni parachuté, ni outsider de dernière minute, il connaît les couloirs de l’Hôtel de Ville pour y avoir conseillé Anne Hidalgo sur les questions de jeunesse. Mais c’est avec sa propre vision, forgée entre banlieue populaire, humanisme laïc et militantisme de gauche, qu’il veut aujourd’hui incarner un renouveau politique, loin des postures et des divisions stériles.

Franco-Algérien entre banlieue, salle de classe et politique

Il a enseigné Kant et Fanon à des lycéens de banlieue avant de conseiller Anne Hidalgo à l’Hôtel de Ville. Aujourd’hui, Saïd Benmouffok ne cache plus son ambition, devenir le premier maire franco-algérien de Paris. Mais pour lui, il ne s’agit pas d’un combat identitaire. Ce qu’il veut, dit-il, c’est une capitale “plus respirable, plus juste, moins crispée”. Dans une époque où les tensions communautaires saturent le débat public, son profil détonne : un homme de gauche, attaché à la laïcité, qui veut sortir des cases, parler d’écologie, de logement et de dignité. Son histoire, marquée par le déracinement, l’école républicaine et les luttes sociales, raconte aussi quelque chose de la France d’aujourd’hui.

Né à Alger, arrivé très jeune en France, Saïd Benmouffok a grandi entre Bonnières-sur-Seine et Mantes-la-Jolie, dans une banlieue qu’il qualifie de “dure mais formatrice”. C’est là, au lycée Saint-Exupéry, qu’il découvre la politique, portée par les inégalités sociales et les injustices quotidiennes. Plus tard, il y reviendra en tant que professeur de philosophie, par choix. “J’avais une dette envers cet endroit”, dit-il souvent.

Militant associatif, puis engagé au Parti socialiste, il devient conseiller municipal à Mantes-la-Jolie avant de démissionner, amer, après la victoire de l’extrême-droite en 2014. Cette désillusion politique ne le détourne pas de son engagement. Il rejoint ensuite Anne Hidalgo à la mairie de Paris, où il travaille sur les dossiers jeunesse. En 2018, il cofonde le mouvement Place publique avec Raphaël Glucksmann.

Philosophie politique : une gauche de terrain, pas de tribune

Contrairement à beaucoup de figures émergentes, Benmouffok ne mise ni sur la visibilité médiatique, ni sur les clashs idéologiques. Sa démarche est plus lente, mais plus enracinée. Ce qu’il défend ? Une gauche concrète, connectée aux réalités du quotidien, et capable de répondre sans hystériser aux tensions identitaires.

Il cite aussi bien Camus que Fanon, se revendique de la République sociale, sans jamais tomber dans la posture ou la victimisation. “Je veux que Paris reste à gauche, mais surtout qu’elle le reste avec dignité”, confie-t-il. Il plaide pour un logement abordable, une écologie populaire, et une refonte apaisée du rapport entre la police et la jeunesse. Des thèmes brûlants, mais abordés avec un ton mesuré, parfois déroutant dans le paysage politique actuel.

La mairie de Paris, pas une conquête identitaire

Benmouffok n’aime pas qu’on réduise sa candidature à ses origines. “Je suis Franco-Algérien, bien sûr. Mais ce n’est ni une revendication, ni un bouclier”, explique-t-il. Pour lui, l’enjeu de cette campagne n’est pas de représenter une communauté, mais de rassembler une ville fracturée, souvent plus divisée que ses discours officiels ne le laissent paraître.

Il sait que son profil “hors système” peut intriguer. Il l’assume : “Je ne suis pas un apparatchik. Je ne viens pas pour faire carrière. Mais je connais Paris, ses quartiers, ses fragilités. Je l’ai vue de l’intérieur.” Son atout principal ? Sa capacité à parler à plusieurs France à la fois, sans les opposer.

Une candidature encore discrète, mais stratégique

Pour l’instant, sa campagne se construit hors des radars médiatiques classiques. Pas encore de clips flamboyants ni de slogan chocs. Mais un travail de terrain, de rencontres locales, de construction patiente. Il mise sur une gauche recomposée, post-Hidalgo, capable de rassembler les déçus sans mépriser les convaincus.

Son entourage assure qu’il fera entendre sa voix au moment venu, probablement après les élections européennes. D’ici là, le terrain, les idées, les valeurs. Et un mot d’ordre : “Paris est un monde, et ce monde doit rester ouvert.”

Saïd Benmouffok, un visage rare dans la politique parisienne

À contre-courant du bruit médiatique, des petites phrases calibrées pour buzzer et des programmes éclairs livrés en 280 caractères, Saïd Benmouffok incarne un autre tempo. Il ne promet pas de tout révolutionner, il ne vend pas une image, et ne prétend pas « sauver Paris ». Il avance autrement : par le fond, par la réflexion, par la parole posée. Une posture presque radicale, aujourd’hui, dans une époque saturée de posture.

Moins de promesses, plus de fond. Moins de slogans, plus d’écoute. Ce n’est pas un effet de style, c’est une méthode. Issu d’un milieu populaire, formé par l’école publique, puis engagé très jeune dans les luttes sociales, Benmouffok ne joue pas à l’homme providentiel. Il assume ses contradictions, son parcours de terrain, et sa lenteur politique comme une force, non comme une faiblesse.

Et c’est peut-être cela qui fait sa singularité. Franco-Algérien sans drapeau, comme il aime à le dire, il ne joue pas la carte communautaire, mais il ne la nie pas non plus. Il refuse qu’on l’enferme dans une case, ni symbole, ni exception. Juste un homme engagé, qui veut que la mairie de Paris soit à l’image de la ville : diverse, humaine, exigeante, mais aussi capable de se réconcilier avec elle-même.

Il n’est peut-être pas le plus visible. Pas celui qui crie le plus fort. Pas celui qui sera en une des hebdos dès demain. Mais dans une capitale épuisée par les oppositions caricaturales, où les quartiers ne se parlent plus, où les débats tournent à vide, le silence réfléchi d’un Benmouffok peut faire plus de bruit que bien des slogans.

Et c’est peut-être ça, sa carte, prendre Paris à contre-pied, et y faire entrer de nouveau la nuance. Et, qui sait, la confiance.

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