Economie

Révolution du dinar numérique en Algérie : la fin du cash ?

L’Algérie s’apprête à franchir un cap, la fin progressive de l’argent liquide au profit d’un système financier 100 % électronique. Le dinar numérique, soutenu par la Banque d’Algérie, marque le début d’une mutation économique et technologique sans précédent.

Le cash a longtemps été le poumon invisible de l’économie algérienne. Dans les marchés populaires, les taxis, les transactions immobilières ou les petits commerces, les billets dominaient sans partage. Mais cette ère touche à sa fin.

L’expression “fin du cash en Algérie” n’est plus une hypothèse, c’est une transformation déjà amorcée. Entre la montée du paiement mobile, la lutte contre le marché informel et l’ambition d’un dinar numérique national, le pays prépare une bascule radicale vers une économie plus traçable, plus moderne et plus transparente.

Fin du cash en Algérie : un tournant stratégique pour l’État

Selon la Banque d’Algérie, plus de 6 000 milliards de dinars circulent encore hors du système bancaire, un chiffre qui représente environ 35 % du PIB national. Cette masse monétaire, échappant à tout contrôle, freine la politique monétaire, encourage l’inflation et alimente le marché noir.

Face à ce constat, l’État a décidé d’agir. La stratégie repose sur trois axes :

  1. La digitalisation des paiements publics (factures, impôts, salaires).
  2. Le renforcement du paiement mobile via des applications agréées.
  3. Le lancement du dinar numérique, une version électronique de la monnaie nationale, adossée à la Banque d’Algérie.

Une échéance fixée : fin du cash en Algérie d’ici 2028

La Banque d’Algérie a tranché : le pays s’oriente vers une disparition progressive du cash à l’horizon 2028. C’est ce qu’a confirmé Salah Eddine Taleb, gouverneur de la Banque d’Algérie, lors d’une intervention récente relayée par ObservAlgérie.

Cette échéance n’est pas symbolique : elle s’appuie sur la loi monétaire et bancaire de 2023, qui introduit pour la première fois le cadre légal du dinar numérique algérien (DND). L’institution a également activé le Comité national des paiements (CNP) pour piloter cette transformation.

Selon les premières orientations, la transition sera progressive :
– D’abord dans les transactions entre entreprises et institutions publiques ;
– Puis dans les paiements des particuliers, à travers des plateformes numériques sécurisées ;
– Enfin, la généralisation complète du dinar numérique, qui marquera la fin du billet physique.

« Cette réforme est avant tout une question de souveraineté et de transparence. Le numérique permettra une traçabilité totale des flux et une meilleure lutte contre l’économie informelle », a déclaré un économiste proche du dossier.

Le dinar numérique : un projet concret, pas une fiction

Inspirée des modèles déjà testés en Chine ou au Nigeria, l’Algérie travaille activement sur son propre dinar numérique souverain. Le ministère des Finances a confirmé, au premier semestre 2025, que les études techniques sont “en phase avancée”. Objectif, réduire la dépendance au cash et rendre les transactions plus transparentes.

Ce futur dinar digital ne sera pas une cryptomonnaie libre, mais une monnaie numérique émise et contrôlée par l’État, sécurisée par la technologie blockchain. Les experts parlent d’un outil stratégique pour limiter la fuite des capitaux et la corruption.

Des chiffres qui parlent : la digitalisation s’accélère

Indicateur économique202320242025 (prévision)
Paiements électroniques enregistrés18 millions38 millions60 millions
Taux de pénétration du e-paiement12 %26 %40 %
Nombre de terminaux de paiement (TPE) actifs45 00080 000120 000
Utilisateurs de paiement mobile1,8 million4,5 millions7 millions
Estimation du cash hors circuit bancaire8 000 Mds DA6 500 Mds DA5 000 Mds DA
(Source : Banque d’Algérie, Observatoire national des paiements électroniques, 2025)

Les banques et les fintechs en première ligne

Des acteurs comme Baridimob, Edahabia, ou encore les applications de paiement agréées par la Banque d’Algérie (Mobifin, Pay+, etc.) connaissent une adoption fulgurante. Les banques publiques accélèrent également leur transition : le versement des salaires en espèces sera progressivement supprimé d’ici fin 2026, selon le ministère des Finances.

Les nouvelles fintechs algériennes, soutenues par des incubateurs à Alger, Oran ou Constantine, sont encouragées à développer des solutions locales pour démocratiser l’usage du paiement digital, y compris dans les zones rurales.

Un frein majeur : la méfiance des citoyens

Mais cette “fin du cash en Algérie” se heurte à une réalité sociologique : la confiance. De nombreux citoyens redoutent le contrôle accru de l’État sur leurs transactions, ou simplement ne maîtrisent pas encore les outils numériques.

Un article de l’Association des Revues Scientifiques (ASJP) de juin 2024 note que, d’après une enquête menée auprès d’utilisateurs de cartes bancaires, la culture des paiements électroniques n’est pas encore généralisée en Algérie et que le paiement en espèces reste la norme. D’après un sondage les Algériens disent préférer les paiements en liquide, invoquant la simplicité et la peur des erreurs bancaires. Un défi de taille pour les autorités, qui misent sur l’éducation financière et la cybersécurité pour accompagner cette mutation.

Une révolution inévitable

La fin du cash en Algérie s’inscrit dans un mouvement mondial. En Europe, la Suède et les Pays-Bas sont déjà quasiment “cashless”. Pour l’Algérie, la digitalisation de la monnaie est aussi une question de souveraineté économique : maîtriser ses flux financiers, limiter le marché noir, et moderniser la fiscalité.

Les experts estiment qu’à l’horizon 2030, plus de 80 % des transactions en Algérie pourraient se faire sans espèces. Le dinar numérique, combiné à la généralisation du paiement électronique, pourrait devenir un levier puissant de croissance et de transparence.

La fin du cash en Algérie n’est pas seulement un projet technologique, c’est une révolution culturelle. Elle demande un changement profond dans les habitudes, mais aussi une confiance renouvelée entre citoyens et institutions.

Comme le résume un économiste de l’Université de Béjaïa : “Ce n’est pas seulement la monnaie qu’on digitalise, c’est la société tout entière.”

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